Quel est ton quotidien ?
Notre quotidien n’est jamais celui que nous avions préparé, car la porte du Rocher est toujours ouverte. Par conséquent, le programme prévu peut rapidement être transformé en écriture de CV ou de lettre de motivation, en visite chez telle ou telle personne qui a besoin d’une présence, ou en l’un ou l’autre traquenard auquel nous avons consenti.
De nombreuses activités fixes agrémentent nos semaines. Aide aux devoirs quotidienne, cours de théâtre avec certains jeunes de la cité, en vue de monter une pièce en fin d’année, les cafés philo qui permettent de vraies rencontres, totalement horizontales entre gens de tout bord, dans un climat d’écoute bienveillante, ou encore les sorties Aventuriers, sorte de scoutisme adapté à la réalité des cités, sont autant d’exemples des pépites qui parsèment cette magnifique mission.
Comment vis-tu ta mission ?
Difficile de répondre à cette question tant les émotions s’entremêlent. Ce qui est sûr, c’est que je ne vis pas ce que j’imaginais vivre. Je suis arrivé avec de nombreuses attentes et idées préconçues qui se sont avérées être complètement à côté de la plaque. Je suis étonné de voir à quel point de vrais liens peuvent se construire entre des horizons si différents. Même si nous rencontrons de nombreuses personnes dont la vie est loin d’être facile, et que le contexte des cités est propice à de nombreuses souffrances liées à la violence, à la drogue, à la pauvreté culturelle, ou aux difficultés d’intégration, nous ressortons tous les jours grandis par nos rencontres, et remplis d’espérance. Mais il est sûr que cette mission est éprouvante au niveau personnel, car nous sommes sans cesse confrontés à nos limites.
Le slogan du Rocher est ‘Oser la rencontre, choisir l’espérance’ signifie ‘la rencontre’ pour toi ?
Au Rocher, nous avons la chance d’habiter la cité, de l’habiter pleinement, dans le sens de « demeurer », et cela change complètement la dynamique de rencontre dans laquelle nous sommes. Nous ne sommes pas là pour « aider » des gens de manière impersonnelle, mais pour rencontrer nos voisins, pour vivre avec eux, et à partir de là, co-construire. Nous avons l’impression de rencontrer vraiment les habitants, car les relations sont bâties sur le long terme, et de manière désintéressée.
Au regard de ce que tu vis au Rocher, que désires-tu pour ton pays ?
Le cas de la Belgique semble fort différent de la France, en ce sens que l’immigration s’est installée en centre-ville (en ce qui concerne Bruxelles) tandis que dans les grandes métropoles françaises, les cités se sont créées en périphérie, dans ce que l’on pourrait qualifier de ghetto (le mot est fort, mais il s’agit cependant de la réalité). Les problématiques sont donc différentes, car en Belgique, le brassage est tout de même un peu plus présent qu’en France, simplement en raison du contexte urbain.
Il est certain que la mondialisation touche autant la Belgique que la France. Que celle-ci soit souhaitable ou non n’est pas la question, il s’agit du contexte dans lequel nous évoluons, et dans lequel nous continuerons d’évoluer dans les décennies à venir. Puisque nous sommes habitants d’un même pays, et que nous vivons ensemble, il est certain que je souhaite que cette cohabitation se fasse le plus sereinement possible. En vivant aux Mureaux, j’expérimente concrètement que cela est possible.
Quelque chose à ajouter ?
Nous sommes plusieurs à avoir été très touchés par de nombreux messages de soutien de nos proches, mais aussi souvent de la part des moins proches. Merci à tous pour vos soutiens moraux ou financiers, sans quoi le Rocher ne pourrait pas exister. Et surtout, n’ayons pas peur ! Osons la rencontre avec ceux que nous sommes frileux de rencontrer, cela ne peut être que fécond !